Dans un contexte où la confusion entre normes et textes juridiques est fréquente, il est essentiel de souligner que les normes sont des outils de gestion volontairement adoptés, co-construits par consensus, et permettant de simplifier les processus organisationnels. Contrairement aux lois, elles offrent une flexibilité dans leur mise en œuvre. Certaines normes sont obligatoires, comme ISO 17021 pour les certifications, tandis que d'autres, comme ISO 26000, proposent des lignes directrices sans obligation de certification. Les recherches récentes montrent que l'adoption des normes est influencée par des facteurs culturels et organisationnels, et que des tensions peuvent émerger dans les processus d'adoption, notamment en France, comme l'a montré la réception critique de la norme ISO 45001. La prolifération des normes, appelée "Tétranormalisation", pose également des défis pour les organisations, en créant des conflits ou des tensions entre diverses normes. Ce numéro spécial cherche à explorer comment les organisations perçoivent, négocient et gèrent les normes, tout en réfléchissant à la création de nouvelles normes pour répondre aux défis contemporains comme le télétravail ou l'inclusivité.

Appel à contributions

Dans une période où de nombreux acteurs économiques et politiques dénoncent « l'intégrisme des normes » et « l'inflation normative » qui pénalisent les organisations, il nous parait nécessaire et pertinent de mobiliser la recherche sur les comportements organisationnels pour enrichir le débat. Comme le précise Maugis G, président de l'AFNOR (2024), le débat public entretient la confusion entre les normes, (d'application volontaire, co-construites par consensus d'experts et promouvant un langage commun pour un bon fonctionnement entre acteurs) et les textes juridiques (règles, lois) édictés par le gouvernement afin de rendre obligatoire ou interdire telle ou telle action.

La norme est une spécification, approuvée par un organisme reconnu de normalisation, pour une application répétée et continue, dont le respect n'est pas obligatoire. Elle fournit des recommandations, des caractéristiques ou des exemples de bonnes pratiques relatives à des produits, des services, des méthodes, des processus, des organisations (Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique 2016 Page 6). Dans le cadre de la nouvelle approche (1985), les directives réglementaires fixent les exigences minimales essentielles et les normes proposent les moyens pour atteindre ces exigences. A ce niveau la norme sous-tend donc une logique interprétative : les moyens pour atteindre le résultat ne sont pas imposés a priori et cela permet aux organisations de définir les moyens les mieux adaptés pour répondre à ces exigences réglementaires (Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique 2016).

Certaines normes sont d'application obligatoire car elles traduisent une directive réglementaire. C'est le cas par exemple de la norme ISO 17021 qui fixe les exigences concernant les compétences du personnel intervenant dans le processus de certification des systèmes de management de la qualité (SMQ), telle la norme ISO 9001 qui, elle, est d'application volontaire. Outre les certifications obligatoires résultant de la mise en conformité aux normes de l'Organisation Internationale de Normalisation (l'ISO), des certifications obligatoires s'observent à l'échelle nationale comme par exemple la certification Qualiopi, obligatoire en France pour tout organisme souhaitant accéder aux fonds publics de la formation professionnelle. Certaines normes ne sont pas certifiables par un tiers de confiance. C'est le cas par exemple de la norme ISO 26000 qui propose des lignes directrices pour mener une démarche RSE. A ce niveau, des organisations vont alors chercher à obtenir un label émanant de structure privée (ex. Lucie, B-Corp) pour certifier leur démarche RSE construite à partir de métanormes (ex. ISO, SA) (Asif et al. 2019). D'autres référentiels ont été spécialement créés par des secteurs d'activité spécifiques comme par exemple le référentiel MASE pour Manuel d'Amélioration Sécurité Entreprise (initialement en France et désormais à l'international) à l'initiative d'organisations industrielles présentant un fort niveau de risques, à destination de leurs PME-PMI sous-traitantes. Ces quelques exemples de dispositifs, obligatoires ou non, vecteurs de confiance à destination de marchés ou d'institutions, s'inscrivent dans un ensemble plus large comptant en plus des certifications, des labels sectoriels (e.g. RGE, Qualibat) ou réglementaires (e.g. IGP, AOC, AOP) suscitant la confusion et constituant un amalgame.

Dans l'idéal, les recherches attendues pour cet appel à contribution doivent aborder la notion de norme au sens strict (adoption volontaire et/ou avec logique interprétative) et l'aborder comme un outil de gestion. Pour la recherche en gestion, la norme est un « outil de gestion » public ou privé. Les outils de gestion sont des conceptualisations ou des matériels, visant à réduire la complexité et à simplifier le réel des organisations. Pour Dreveton (2008) l'outil de gestion est une formalisation de l'activité qui guide l'entreprise dans ses actions, dans son évolution et permet à ses membres d'agir selon des orientations prédéterminées. La norme en tant qu'outil de gestion sera différemment interprétée selon les individus et selon les contextes et influencera différemment les comportements des salariés (Eve et Sprimont 2016). La norme est un artefact qui en rencontrant les schèmes d'action de l'utilisateur (la manière dont les acteurs conçoivent l'utilisation de l'outil) devient un instrument spécifique à l'organisation.

Les contributions pourront s'inscrire dans les recherches récentes sur les facteurs organisationnels, les motivations et les processus favorisant (ou pas) l'adoption des normes par les organisations. La France a été le pays le plus critique vis-à-vis de la norme ISO 45001 sur la sécurité et la santé au travail (Heras-Saizarbitoria et al 2020). Les traits liés à la performance et au collectivisme de la culture nationale influencent la diffusion de la norme ISO 14001 (Orcos et al 2019). Les normes sociales de l'organisation (ex. les valeurs) et la formalisation des pratiques (ex. routines, structures, outils) ont un effet sur l'engagement dans la norme SA 8000 portant sur la responsabilité sociétal de l'entreprise (Testa et al 2020) ou dans l'adoption des normes IFRS (Reisch 2021). D'après l'enquête Cereq (2022), 11 % des salariés français connaissent une modification de leurs activités suite à l'introduction de normes environnementale (NF Environnement, HQE, ISO….). Ces différentes thématiques peuvent être étudiées et approfondies dans les contributions.

Les contributions portant un regard critique sur les normes sont bienvenues. La Tétranormalisation fait référence au foisonnement de normes dans lequel évoluent les organisations. Ce courant conceptualise l'articulation de ces normes et questionne ses effets sur l'organisation : La prolifération des normes, la concurrence et les conflits entre normes, et le non-respect des normes constituent les trois problématiques de la Tétranormalisation (Savall et Zardet, 2005). Par exemple pour Nava et Tampe (2022) l'adoption de normes volontaires sur la durabilité (ex ISO, ESRS, UNGC, GRI) peut créer des tensions entre la nécessité d'adhérer à ces normes (risque de découplage entre le discours et la pratique) et la nécessité de permettre son adaptation (risque de découplage entre les moyens et la finalité). La gestion de l'imbrication des normes, les injonctions normatives paradoxales, les jeux de pouvoir sont des thématiques pouvant alimenter les contributions.

A travers ce numéro spécial, nous espérons promouvoir des recherches qui actualisent les connaissances sur les normes, réactualisent la conceptualisation des normes, abordent de nouvelles normes et analysent la façon dont les normes influencent le discours et le comportement des acteurs de l'organisation.

Idéalement ce numéro spécial permettra de répondre aux questions suivantes :

1. Comment les acteurs (managers, salariés, dirigeants, parties prenantes) perçoivent les normes ?
2. Comme s'arbitre et se négocie la place de la norme dans l'organisation ?
3. Quel est l'effet des normes sur la formation et la gestion du personnel ?
4. Les différences culturelles peuvent elles influencer les processus d'adoption des normes ?
5. Quels sont les attitudes et comportements des acteurs de l'organisation vis-à-vis des normes ?
6. Comment les organisations gèrent-elles l'équilibre entre la conformité aux normes et les logiques de différenciation ?
7. Face aux nouveaux enjeux de l'entreprise (Fait religieux, télétravail, inclusivité…) faut–il créer de nouvelles normes ?
8. Quelles places pour les normes dans les secteurs spécifiques et organisations particulières (TPE, fonction publique…) ?
9. Comment s'articule les labels, chartes, code de déontologie, normes sociales, certification, devoirs avec les normes ?
   

Les propositions d’articles pour ce numéro spécial doivent obligatoirement être soumises via notre plateforme de gestion des manuscrits : https://ripco.manuscriptmanager.net/ripco. Lors de la soumission, les auteurs doivent choisir le numéro spécial «Special Issue : Norms and OB» dans le menu déroulant du champ « Si le manuscrit est destiné à un numéro spécial, choisissez dans la liste... » qui se trouve dans la page « DETAILS » de la soumission. Les propositions devront suivre les normes éditoriales de la revue : ripco-online.com/en/avantSoumission.asp

Le processus d'évaluation des manuscrits du numéro spécial est le même que pour les numéros réguliers. Tous les articles soumis à la revue sont évalués selon le principe de l'examen en double aveugle. Tous les manuscrits soumis à nouveau passent par le même processus d'évaluation, et les évaluateurs précédemment sollicités donnent une évaluation basée sur la prise en compte des changements suggérés lors du premier tour d'évaluation. La décision éditoriale définitive sera prise sur la base de la seconde version proposée, sous la forme soit d'une acceptation pour publication, soit d'un rejet définitif, éventuellement d'une invitation à resoumettre pour un numéro régulier de la revue.

29 septembre 2025 : Date limite soumissions

1er décembre 2025 : Avis aux auteurs

2 mars 2026 : Soumission des manuscrits révisés

27 avril 2026 : Avis définitif

25 mai 2026 : Soumission de la version finale

• Asif, M., Jajja, M.S.S., Searcy, C., (2019). "Social compliance standards: Re-evaluating the buyer and supplier perspectives". Journal of Cleaner Production. 227, 457-471.
• Céreq (2022), Normes environnementales: quelles effets sur le travail et les formations ?, Bulletin de Recherche Emploi Formation, n°432, Delanoe A et Moncel Nathalie.
• Dreveton B. (2008), « Le rôle des représentations sociales au cours du processus de construction d'un outil de contrôle de gestion », Comptabilité Contrôle Audit, Vol.14 N°2, p. 125-154.
• Eve, A., & Sprimont, P.-A. (2016). "Perceptions et attitudes liées à la norme ISO 9001: une analyse auprès de salariés opérationnels ». Comptabilité-Contrôle-Audit, 22(1): 27-52.
• Heras-Saizarbitoria I, Boiral O, Ibarloza A (2020). La norme ISO 45001 et les controverses autour de la régulation transnationale privée de la sécurité et de la santé au travail. Revue internationale du Travail, 159(3), 439-466.
• Maugis G (2024), Trop de règles oui, trop de normes non, Les Echos, version 30 janvier 2024
• Ministère de l'Economie, de l'industrie et du numérique (2016), Guide relatif au bon usage de la normalisation dans la réglementation, Juin, P1-34.
• Nava, L., & Tampe, M. (2022). "The challenge of implementing voluntary sustainability standards: A dynamic framework on the tension between adherence and adaptation". Business Ethics Quarterly, 33, 1– 31.
• Orcos, R. and Palomas, S. (2019), "The impact of national culture on the adoption of environmental management standards: The worldwide diffusion of ISO 14001", Cross Cultural & Strategic Management, Vol. 26 No. 4, pp. 546-566.
• Reisch, L. (2021). "Does national culture influence management's accounting behaviour and strategy? – An empirical analysis of European IFRS adopters." Cross Cultural and Strategic Management, Vol. 28 Issue 1, p129-157.
• Savall H., Zardet V.(2005), Tétranormalisation : défis et dynamiques. Economica, Paris.
• Testa, F., Boiral, O., & Heras-Saizarbitoria, I. (2018). "Improving CSR performance by hard and soft means: The role of organizational citizenship behaviours and the internalization of CSR standards", Corporate Social Responsibility and Environmental Management, 25(5), 853–865.

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